down the rabbit hole. [3/3]

the time you make is slipping through my fingers

À des périodes bien distinctes, ces trois boursiers de l'université de Fullcross ont été attirés par la même affiche manuscrite dans la même fenêtre de guingois, à l'étage de l'étroite et vénérable horlogerie du centre ville : chambres à louer, suivi d'un prix dérisoire. Un peu éloigné du campus, certes, l'endroit a l'avantage non-négligeable de rentrer dans leurs maigres moyens. Ils sont trois, à l'étage, à partager cuisine, salle de bain, planchers qui grincent et ce tic-tac continu, l'égrènement fantôme des secondes qui se sont glissées sous leur peau. Ils sont trois, à l'étage, à subir en silence les effets secondaires de la vie au dessus d'une horlogerie. Tandis qu'Izy, elle est seule, au rez-de-chaussée, lapin blanc parmi les montres, à tenir la boutique six jours sur sept, récolter le loyer sans enthousiasme fin du mois et garder farouchement les secrets de la bâtisse.
Bien sûr que le Temps se joue de vous. Pourquoi croyez-vous que le loyer est si bas ?

[libre] chat du cheshire, 24 ans, étudiant
ft. tom webb, douglas booth, luke powell...
grenier - Le charmeur inné, flirt liquoreux au coin des lèvres, on lui donnerait le bon dieu sans confession. Il existe autant de versions de lui qu'il existe de personnes pour l'écouter en parler ; chatoyant caméléon, coqueluche de l'université, il revêt les couleurs qui impressionneront le plus son interlocuteur. Dans le fond, ni Izy, ni ses deux colocataires ne savent réellement qui il est, d'où il vient, où il va. Et tant mieux. Sa complicité avec Izy n'est pas passée inaperçue aux yeux des autres. D'ailleurs, le loyer qu'il paie est moindre. Officiellement, il serait question du nombre de marches qu'il a à franchir, une compensation pour l'échelle branlante qui mène jusqu'au grenier qu'il occupe, ascension particulièrement ardue à manœuvrer lorsqu'il revient d'une de ses extravagantes soirées. Alice, elle, a intercepté des murmures entre Izy et lui, a déjà aperçu leur propriétaire descendant l'échelle, et est persuadée qu'il existe quelque chose d'illicite et romantique entre eux. Seuls eux savent ce qu'il en est réellement. Cela fait environ un an que Cheshire vit à l'horlogerie, et il lui a fallu plus de six mois pour mettre le doigt sur un phénomène pour le moins étrange : son grenier est en avance. Sous les combles, il entend aux étages inférieurs les bruits d'évènements qui ne sont pas encore arrivés, des bribes de conversations qui n'ont pas encore eues lieu, reçoit des textos qui n'ont pas encore été écrits. Sur les ardoises du toit, il entend rebondir les gouttes d'une tempête qui n'a pas encore dépassé la Pennsylvanie. Fidèle à lui-même, il réfléchit déjà à comment tourner ce glitch temporel à son avantage.
[libre] absolem, 25 ans, doctorant
ft. keith power, allan rayman, willy cartier, ezra miller, david prat...
premier étage, côté rue - Lui, c'est le vétéran de la colocation. Il connait les étages de l'horlogerie comme sa poche, est celui à qui les questions sont posées et les tâches confiées. Sa chambre, située au dessus de la boutique, donne sur la rue et l'enseigne en cuivre : Hazard Watchmakers, le H majuscule rond comme un sablier. Les nuits venteuses, il peut l'entendre grincer. Il connait les secrets de la maison sur le bout des doigts, quelles marches crissent, quelles prises électriques risquent de plonger tout le bloc dans le noir... Et pour cause, il y vit depuis trois ans. Ou serait-ce six ? Il a fini par perdre le compte. Son étrange omniscience s'étend à d'autres domaines : il est capable de prédire la météo avec une précision qui intrigue, de deviner les évènements du quotidien à la virgule près. Et pour cause, cela fait trois fois qu'il vit cette année. Il connaît 2018 sur le bout des doigts, est emprisonné à l'intérieur. Incapable de s'en défaire, il s'est désengagé de sa propre vie, la regarde se dérouler sans surprise ni intérêt, perdu dans ses volutes de fumée bleue - jusqu'à l'arrivée d'Alice, il y a deux mois. Première nouveauté dans une saison qu'il vit pour la troisième fois. Elle a posé ses valises dans la chambre d'en face, pourtant restée vide dans chaque autre version de l'histoire et saupoudre le quotidien de changements minimes dont il était affamé. Il ignore comment, mais il a la certitude que son arrivée a rompu la boucle et, enfin, il goûte timidement au bonheur de l'inconnu dans sa propre vie.
[tentée] alice, 21 ans, étudiante
ft. freya mavor, amandla stenberg, rosie tupper, madelaine petsch, sophie turner, nicola peltz...
premier étage, côté cour - Fraîchement arrivée, autant à Holly Springs qu'à l'horlogerie, Alice n'a que deux mois d'ancienneté. Elle sent la nouveauté et son accent, venu de l'autre côté du pays, attendrit autant qu'il charme. Curieuse, furtive, obstinée, son arrivée fut un grand coup de pied dans la léthargie de plomb qui s'était abattue sur la maison. Elle l'intrigue, cette constellation humaine dans laquelle elle a débarqué par hasard. La propriétaire, farouchement taiseuse, qui en sait long mais en dit peu, et ses deux colocataires, radicalement opposés l'un à l'autre. Cheshire, qu'elle entend se retourner la nuit, au dessus de sa tête, son charme solaire dont elle réclame l'attention, dont elle exige la chaleur - pour elle et pour elle seule, elle est piquée à vif dès qu'elle entend la voix d'Izy goutter du plafond. De l'autre côté du couloir, Absolem à l'attrait aussi magnétique que dérangeant ; Alice joue aux ingénues, prétend ne pas remarquer le regard lourd de sens dont il la couve. Il y a quelques semaines, elle a découvert dans l'armoire du couloir un joli pendule à poser, et l'a réquisitionné pour sa chambre. Malheureusement pas en état de marche, ses aiguilles restent bloquées sur une combinaison heure/minute aléatoire - étonnamment, chaque jour une différente. L'horloge, loyale servante, l'avertit. Lui indique, chaque jour, à quel instant précis être particulièrement attentive. Lui prédit, à la minute près, le moment le plus important de sa journée. Alice, trop nouvelle à Holly Springs pour s'être habituée aux excentricités de la ville, imagine qu'elle voit des signes qui n'en sont pas, se convainc de sa déraison. Elle nourrit des soupçons sans oser réellement y croire. Refusant de céder à sa propre folie, elle s'interdit de poser les questions qui lui brûlent la langue à la seule personne qui pourrait en avoir les réponses, l'horlogère.