-- la lune ne retient pas la pluie (ava)

On croit que, lorsqu'une chose finit, une autre recommence tout de suite. Non. Entre les deux, c'est la pagaille. - Marguerite Duras

C'était sans nul doute le chagrin de sa vie. Peut-être même celui du siècle, voire même de l'éternité. C'était sombre et un peu terrifiant de dire que jamais on ne pourrait ressentir davantage de tristesse dans sa vie. Que jamais le chagrin ne pourrait être plus tranchant. C'était qu'on avait tellement mal qu'on savait qu'on ne pourrait jamais ressentir à nouveau une telle douleur, qu'on ne pourrait jamais avoir aussi mal une deuxième fois. C'était le genre de douleur qu'on n'oubliait jamais, bien qu'on finissait inévitablement par s'y habituer. Parce qu'on avait pas le choix. Parce qu'on ne pouvait pas souffrir toute sa vie, tout le temps. Parce qu'on pensait à autre chose, des fois, et alors la culpabilité s'ajoutait aux autres troubles psychologiques. Et c'était le cercle vicieux de la négligence, de la dépression, de l'infernal oubli, qui entrainait la mort intérieure, lentement, doucement, qui gagnait contre l'espoir.

Sa fille était morte. Son mari aussi, d’une certaine manière, et son souvenir attaché risiblement autour de son cou était une douce torture à laquelle elle avait fini par s’habituer, s’accommodant de son chagrin. Les débuts avaient été compliqués, naturellement. Elle avait été la pauvre voisine du palier d’en face à laquelle on proposait une part de pain d’épice aux figues, à l’heure des cris d’enfants sortant de l’école, alors qu’elle descendait ouvrir sa boîte aux lettres, éternellement vide, avec une nonchalance contagieuse et princière. Elle avait été la jeune mère qui s’était un peu éteinte avec sa fille, puis entièrement avec son mari – était-elle veuve, d’ailleurs ? On s’en posait encore parfois la question, entre deux autres commérages, tiens. Elle avait été la victime de cette insupportable pitié qu’elle lisait dans les pupilles de tous ces maigres tragédiens qui l’entouraient, tellement insupportable qu’elle avait fini par s’entourer de livres plutôt que de sots. Elle avait été une femme triste, terriblement triste, oui, ça, on l’avait vu. On se demandait si cette tristesse allait la mener à la démence, alors on s’inquiétait, on échangeait de rares sourires, on avait le culot et l’impertinence de proposer son aide. Ça, on lui avait accordé la tristesse, cette insatiable tristesse, Dieu merci. Et puis, c’était normal, d’être triste, après tout, de ressentir quelque chose. C’était une tragédie. Et il semblait qu’ils en étaient tous les protagonistes.

Ça avait commencé par un verre de rouge par soir. Avec le fromage, comme on disait. Les habitudes n’avaient pas beaucoup changé, au début. Ava avait toujours aimé le bon vin, des codes qu’on lui avait enseignée dès qu’elle en avait eu l’âge. Quelque chose qui les avait rassemblés, également, Jonas et elle, après une longue journée de travail et quand Gail dormait profondément. Ça avait recommencé comme ça, quand il était parti, égoïste et ingrat, laissant les miettes du cœur lourd d’Ava derrière lui. Le rouge restait son préféré, même si les rosés et blancs se testaient également à ses papilles. Puis, rapidement, les teintes caramélisées du bourbon avaient rejoint la partie. Un jeu qu’elle ne contrôlait plus désormais, cavalière de ces breuvages célestes, pion de ces rois cristallins. Après le décès de Gail, le choc de l’accident, et l’abandon de Jonas, elle avait eu le choix entre l’alcoolisme, le travail, la passion, ou les ténèbres nocturnes. Malheureusement, l’incertitude avait toujours été une caractéristique particulièrement agaçante chez la brune. Et ce dangereux mélange avait donné naissance à une mélancolie merveilleuse.

Elle était journaliste, on la lisait, en ville. Une activité plaisante, un rêve de gosse, une certaine insolence entre les mots qui ne plaisait pas toujours – surtout à son supérieur, très avare de polémiques. Le regard négatif des gens lui importait peu, tant qu’elle avait leur confusion. Ava était une femme surprenante et fascinante ; c’était également ce qu’elle voulait qu’on pense d’elle. Elle avait intégré le milieu sans grande difficulté, et s’était habituée à l’attente d’une reconnaissance qui ne viendrait sûrement jamais. Parce qu’il fallait le dire ; elle était entourée de vautours, qui avaient peur que l’agneau leur fasse un petit peu d’ombre. Et quelle ombre… car c’était indéniable : elle avait du talent. Mais le rejet ne lui avait jamais fait peur, seulement l’ennui. Bien tristement, le drame qui l’avait abattue avait été un tremplin pour elle. Elle s’était plongée dans l’écriture, tapant ses larmes sur son clavier, dessinant la brume de son cœur autour de ses mots. Inévitablement, ça avait marché. Une femme détruite par la perte d’un enfant, puis par l’effroyable lâcheté de son mari, sortait un livre. Ça ne pouvait que marcher. Quelle terrible et belle histoire. Comme elle était courageuse – il ne pouvait pas en être autrement.

Elle a une grande sœur de deux ans son aînée. Plutôt proches, pas très tactiles, très sarcastiques. Relation fraternelle teintée de moqueries, de farces et de plaisanteries, peut-être un peu de jalousie de la première, envieuse du succès de la deuxième. Soutien. Loyauté. La famille avant tout. ⊱ Tout essayé. Elle a tout essayé pour tenter de chasser ses démons qui lui torturent l'esprit. Pour chasser ses fantômes qui la hantent, jour et nuit. Séances de psy, alcool, pleurs et confessions autour d'un thé chez une amie, flirts rapides au gout amer du whisky, baisers volés, ratés. Fleur fanée. Rien n'a marché. Elle s'est faite à l'idée. ⊱ Le temps l'a aigrie. Elle est devenue grognon, râleuse, elle se laisse vivre, ni trop bien ni trop mal. Rarement de bonne humeur, jamais de très mauvaise non plus. Mais on le voit, au fond. Ses iris se déchirent de tristesse, une fissure infinie et profonde, si profonde qu'on ose plus vraiment la regarder dans les yeux, de peur d'être aspiré par cet effroi. ⊱ Elle pense à Gail constamment, sa défunte fille. Parfois, elle en oublie presque Jonas, son amour de toujours qui l'a abandonnée après le tragique accident qui leur a emporté leur fille. ⊱ Elle est devenue assez célèbre, avec ses bouquins. Personne ne s'y attendait. Elle y parle de la société avec sarcasme. Ava aime se foutre de la gueule du monde. Et le pire, c'est que ça plait. ⊱ Enfance tranquille, adolescence banale. On ne parlait pas d'elle avant la tragédie. Comme devenue une actrice, elle est passée dans toutes les conversations de toute la ville. ⊱ Droguée au café. ⊱ L'alcoolisme la guette et la suit. Elle boit beaucoup, souvent. Pas tous les jours. Et seule, surtout, seule. ⊱ Elle était charmante, charismatique, polie, curieuse, fascinante, moqueuse, ironique, joueuse, compétitrice, attentionnée, romantique. ⊱ Le bois lui a rendu sa fille. Gail court, gambade, dans les rues de la ville. Elle ne se retourne jamais tant qu'elles ne sont pas dans le bois, cependant. Sensation de bonheur immense. Folie naissante. Elle ne peut pas être réelle - c'est impossible. Et pourtant, elle est bien là, habillée comme la dernière fois. Ava s'enferme dans une démence malsaine, une dépendance inépuisable à ce mirage, cette illusion. Elle pleure beaucoup, lorsqu'elle s'en rend compte. Mais elle n'en veut à personne, pas même au bois. Il lui a rendu sa fille.

ce choix de pré-lien est juste a++
j'ai hâte de vous lire tous les deux (sans pression aucune naturellement )

bienvenue !

meilleur choix de pré-lien, et puis ce début en beauté.
bienvenue par ici, t'as tout bon.

Mercii beaucoup vous deux pour l'accueil

Ce choix de pré-lien avec Jenna, je fonds déjà.
Bienvenue par ici.

j’ai quasi-plus de batterie mais j’devais poster quand même
j’adore ce que j’ai lu jusqu’ici et j’ai hâte d’en lire plus
merci encore de tenter ava, et bienvenue officiellement

Merci Pippa, ce que je lis dans ton profil est très alléchant

Jojo J'espère ne pas te décevoir et j'essaye de finir ma fiche dans la journée, mercii

je préviens : je vais stalker à fond

god, c'te perso et cette plume.
bienvenue parmi nous! je vais vous stalker aussi.

Vous me mettez la pression à parler de stalk là
Mais merci vous deux

@jonas andersen on a besoin de toi par ici.

Coleman
Bienvenue

parfait, je valide donc !
bon jeu

(faites-nous vite un sujet vous deux, svp )